Concernant le contrat en échange (de bons procédés)
qui engageait les KadorS vendredi 28 janvier à venir
animer la galette des rois de la MPT Boris Vian, il
convient de distinguer entre 2 catégories de mortels:
ceux qui y ÉTAIENT, et les autres, les pauvres, les
pauvres autres, eux, ceux-là, qui n'y étaient pas, les
pauvres qui n'y étaient pas.
On ne veut même pas savoir pourquoi ils n'y étaient
pas, les pauvres qui n'y étaient pas. L'évènement terrasse
par sa stature la pauvreté de ces contingences, le minimalisme
des arguments réels ou feints qui privèrent de ce moment
de grâce unique ceux parmi les KadorS qui préférèrent
être, on ose à peine l'écrire, absents.
Retour au 14, rue de l'améthyste, vendredi 28 janvier
vers 19 heures. Une foule désabusée d'invités achève
d'engouffrer les dernières miettes de galette des rois
à l'aide des dernières gouttes de cidre tiède encore
disponible; Les enfants s'énervent et sautent d'un bout
à l'autre de la salle; On attend les KadorS. Ceux-ci,
annoncés par voie d'affiche pour 18:30 sont au nombre
de quatre à 19:15. Muriel, la directrice de la MPT explique
à l'adjoint au maire que les KadorS c'est des types
super mais que la ponctualité, voilà, c'est pas leur
truc. Le négociateur JeanBa a préalablement confirmé
que l'accord avait bien été passé pour une prestation
débutant à 19:30. Une collaboratrice a-t-elle mangé
la commission en rédigeant l'affiche ? Ou bien est-ce
JeanBa qui a compris de travers?
A 19:20 tout le monde s'en fiche, cependant que les
convives commencent à s'égayer, à l'appel du repas du
soir; Muriel nous supplie de faire un peu de bruit,
même à 4, ou à 5, bientôt à 7 et même 8. Nous démarrons
par un Amant endiablé, suivi d'un Amora de feu, puis
d'un électrique Je m'voyais déjà. Devant des KadorS
survoltés les bravos éclatent, se tempèrent, s'estompent
puis s'épuisent définitivement vers 20:15 pour cause
de désertion générale. Restent 3 collaboratrices de
la MPT qui mettent en place les vivres et boissons destinés
aux KadorS; Ceux-ci reprennent des forces.
Mais très vite n'y tenant plus ils empoignent à nouveau
leurs binious et mettent littéralement le feu à une
salle VIDE. C'est Fellinien. Muriel la directrice ne
s'y trompe pas, qui parfait la scène en chaloupant sur
l'immensité du sol déserté une valse inspirée dans les
bras de Philippe.
Les KadorS sont en nage, ils donnent le meilleur d'eux-mêmes,
ils sonnent comme jamais, la flamme de leur passion
transperce la nuit et la revisite de leur souffle démoniaque.
Cécile galvanise la troupe d'une mailloche d'enfer,
Best lui répond d'un contrepoint habité, Ph'leup lance
dans un rythme implacable ses vibratos généreux, Bince
s'époumone dans un engagement suractif. Tous vivent
l'urgence, l'immédiateté, l'extrême du don de soi. German
est transfiguré, Anne (dans un environnement il est
vrai peu compétitif) fait claquer avec brillance la
banière d'un talent impétueux, Le Poulpe survolté tente
d'exorciser la lave de son tempérament volcanique, Tutut
caramélise l'atmosphère de ses riffs incendiaires, François
est partout, Didou l'éclaire, Philippe a largué toutes
ses amarres avec le réel, et ne veut rien connaître
en dehors de la quadruple croche, Popo magnifique structure
l'espace d'hypnotiques pon-pon, entraînant JeanBa dans
son sillage incandescent.
21:30. Le gardien: "On ferme!" Vaguement étourdis,
brisés dans leur élan, les KadorS apprennent que le
collège des Aiguerelles qui a fait l'actualité sociale
toute la semaine c'est justement cette bâtisse au fond
de la cour, où règne une obscure animation. Ils s'y
rendent illico. Le visage tiré des grévistes occupantes
passe en 2 secondes de l'effarement ensommeillé à la
surprise ravie; Elles nous disent merci et parlent déjà
de nous rallier à la juste cause de leur manif du lendemain
alors que nous entamons un Padam d'anthologie. France
2 est là, qui, face à l'ampleur de l'évènement collecte
en urgence les images et les sons qui tétaniseront la
France dès le lendemain 13 heures.
Là-dessus le voisin fait savoir (il est 22:00) qu'il
compte dormir. En véritables professionnels de l'improvisation
festive, les KadorS conviennent qu'il faut se retirer
quand il est temps. Et alors que les voilà déjà casqués
et bottés sur le chemin du retour, un commando d'enseignantes
activistes les invite à venir galvaniser le fer de leur
engagement militant au feu de leur impatience enthousiaste.
Les KadorS ravis les entraînent dans une ultime catharsis
extatique: elles dansent entre elles, ces fières combattantes
exténuées, elles sont comblées, les KadorS aussi.
23:00. Tout le monde s'esbigne, sauf Le Poulpe, Bince,
Popo et JeanBa , qui vont se finir au Snooker Palace
avec des grains de maïs géants.
Jean-Ba
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