Résumé :La fanfare
est un organisme vivant à croissance chaotique
et à vie plus ou moins longue. Comme tout
être vivant, une fanfare se caractérise
par une naissance, encore appelée "
acte créateur ", qui provient de la
volonté d'un petit nombre de se donner en
spectacle. Rapidement, ce petit nombre se rend compte
que pour exister il va falloir faire appel à
ce que l'on nomme l'intégration " de
nouvôs ". Encore plus rapidement, ce
petit nombre prend conscience qu'il faut développer
une Politique d'Intégration.
L'intégration en fanfare se manifeste sous
différentes formes à l'image des variétés
des groupes musicaux de rue ou de bar. Chaque fanfare
a ses propres critères d'acceptation des
nouveaux (Nouvos pour les Bx-Arts) : niveau musical,
savoir-vivre, degré d'ébriété,
résistance psychologique à l'esprit
de groupe. Certaines fanfares sont très fermées
voire hermétiques (les membres sont définis
à la naissance de la formation), d'autres
fusionnent facilement entre elles, enfin d'autres
sont très perméables à l'extérieur.
Une fanfare ouverte à 360 degrés est
: - soit très jeune (en constitution) - soit
très vieille (joue beaucoup moins que ce
qu'elle ne boit) - soit peu séduisante et
donc personne n'en veut ce qui lui permet de prôner
l'ouverture. La fanfare la plus ouverte est donc
celle qui n'existe pas puisque tout est possible
(cf. la fanfare sans nom de Paris : LA vieille Mado,
Manix la teigne, Ritou le filou etc.).
Les formations comprennent généralement
entre 10 et 30 membres, plus et c'est l'explosion
sociale, moins cela manque de volume (en décibels
et en litres). A noter que les fanfares de 30 ont
généralement un noyau dur (les ultras),
un noyau mou (les visibles), des satellites (les
extras ou invisibles). Il faut savoir que comme
pour le papier toilette, si le Nouvô est trop
fin il craque, s'il est trop dur il fait mal à
la fanfare. Evidemment, il y a des Culs plus sensibles
que d'autres, cela fait partie des critères.
Dans quelques cas heureux, le nouvô s'intègre
et s'ouvre au monde fabuleux de la fanfare. Le texte
qui suit a été écrit par Jean-Ba,
un ancien nouvô des Kadors. Il relate un week-end
à Paris, au siècle dernier
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Lettre du nouveau aux absents de Paris
Ah ! quel beau voyage à Paris, nous avons fait.
Si pour le Kador confirmé ce fut un week-end
exceptionnel semblable à de nombreux week-end
exceptionnels pour moi, l'apprenti, le petit nouveau,
ce fut comme une sorte de baptême, l'eau bénite
en moins. Alors pour tous ceux qui n'y étaient
pas, je m'en vais vous raconter par le détail
l'événement, non point pour taquiner l'absent
mais plutôt comme une sorte d'offrande et de partage.
Une belle après-midi de Février donc,
nous partîmes 12 de Montpellier (mais par un prompt
renfort nous nous vîmes 17 dès la gare
de Nîmes) dans un T.G.V., de la Société
Nationale des Chemins de Fer, en direction de la capitale.
La société en question ayant eu l'amabilité
de nous mettre en queue de rame, nous eûmes tôt
fait de transformer le fond du wagon en " bodega
" roulante. Une des devises Kadoriennes est "
pour voyager utile, voyager liquide ". Notre bodega
improvisée fut donc remplie de Punch au Rhum
Salvadorien, de Pastis, d'alcool aux Herbes de Hollande
et autres spiritueux. L'humeur était à
la gaieté, les vannes fusaient sec et je me sentais
très fier d'être la cible principale des
dites vannes, mon rite initiatique venait de commencer.
Les 4 heures de voyage passèrent à 300
à l'heure mais nous eûmes tout de même
le temps de répéter quelques morceaux
(dont Ederlezy) à la grande joie des autres voyageurs.
Enfin après un petit défilé de
mode à travers le train pour rejoindre le Bar
officiel Wagon 4, nous arrivâmes à Paris.
Et là! à l'arrivée, le monde qui
nous attendait sur le quai, j'en revenais pas. On aurait
dit Johnny au Stade de France. Alors bien sur, nous
jouâmes quelques morceaux et ce fut à grand
peine que nous pûmes nous extraire du hall de
gare, tant nous fûmes appréciés
de la foule.
Mais la gloire nous attendait ailleurs et ayant laissé
le gros des instruments à nos roaddies Odette
et Bat, nous rejoignîmes " Les écuries
du Château de Versailles " à l'aide
d'un tortillard vétuste où l'absence d'eau
dans les toilettes nous contraignit à boire le
Pastis sec. Enfin, guidé par notre poisson pilote
" Monsieur 12 " nous arrivâmes chez
les Archis. Le cadre d'étude de ces pôôôvres
Archis et le mode de fonctionnement de leurs écoles
vaudraient à eux seuls un numéro spécial
du " riffifi ", disons juste pour faire bref
que l'endroit est fort plaisant et qu'il y vit plus
de fanfare au mètre carré que nulle part
ailleurs en France. Ce soir là, deux fanfares
se trouvaient dans les lieux; " L'ami graine "
une des dernières nées de l'école
et " les Aargh " qui eux avaient l'air de
vieux potes des Kadors (même que Vincent et Olive
portaient ce soir là, la même chemise rigolote
que les Aargh). J'assistais alors à de chaudes
retrouvailles comprenant moultes embrassades, échanges
de vannes et de potins et la distribution des journaux
Kadoriens. D'ailleurs, à la vue de sa photo dans
l'excellent " La Morue Camarguaise ", celui
qu'on appelle Balou promis de faire un effort dans le
choix de ses déguisements à l'avenir.
Puis, nous fûmes conviés à nous
restaurer à un buffet richement garni. Et là,
ce n'est pas pour me vanter, mais je crois que je les
ai tous sciés : je me suis mis à jouer
dans ce lieu mythique, seul devant tous. Oh la tête
des collègues ! Alors pour ne pas être
de reste, tous les KadorS (même Chat) me rejoignirent
et nous essayâmes notre nouveau répertoire.
Ce fut un triomphe, sauf avec Ederlezy (les trompettes
peut être...) ou d'aucuns usèrent du mot
" chiant " pour décrire leur émotions.
Vers 10 heures, tout le monde fut convié à
la " salle de Création " pour un concert
de l'ami graine (des petits gars qui ont bien la pêche,
y parait qu'on dirait les KadorS du début) suivi
d'une leçon donnée par les Aargh. C'est
là que je compris pourquoi ces derniers sont
la Fanfare la plus riche de France. Ces mecs sont de
vrais musiciens. D'ailleurs quand je serai président
l'année prochaine, je vais installer le même
système qu'eux pour les répets : une absence
= 50 francs d'amende, trois absences = expulsion définitive.
La dite leçon fut enregistrée par Rémy
et Michoko, cela nous permettra de nous ressourcer de
temps à autre. Une Goélette, réalisée
par Rémy, fut offerte aux fanfares de l'école
et Roger promit de l'installer " en haut du dôme
" dès la semaine suivante. Ensuite, je me
souviens plus très bien, mais ce n'est qu'à
5 heures du mat, après une dernière tentative
d'Ederlezy (la clarinette, peut être...) que nous
allâmes nous allonger dans une des salles du château,
après avoir salué P'titeHélène
et Roger qui avaient tenu à nous accompagner
jusqu'au bout.
La nuit fut bonne et dura 6 heures, ce qui est considéré
comme une longue nuit pour un week-end fanfare. Hélas,
6 heures ne furent pas assez pour permettre à
Best de récupérer totalement, c'est "
la tête dans le cul " et le nez on ne sait
où qu'il émergea péniblement, jurant
de ne plus boire d'alcool du Week-end (promesse d'ivrogne).
Le petit déj à la Cafet fut royal et Rémy
en profita pour laisser un petit graffito sur l'affiche
officielle du " Bal d'Apollon " pour nous
rappeler au bon souvenir des Fanfares d'Archi. Ensuite,
c'est par un non moins vétuste R.E.R. et devant
un parterre de banlieusards sidérés par
un troupeau de Zèbres Africains que nous gagnâmes
notre prochaine étape; un bar du 6eme département
de Paris dénommé " L'assignat ".
Où l'école d'Archi mériterait un
numéro spécial, l'Assignat nécessiterait
une encyclopédie entière. C'est un de
ces lieux magiques qui enchantent l'âme, réchauffent
le coeur, justifient l'alcoolisme fanfaron et encensent
le palais. Un de ces lieux qui donnent un sens à
l'existence trop souvent cruelle. Avec Gérard
au four, Josette au comptoir et Gaby partout ailleurs
vous avez l'assurance de la satisfaction. Après
un apéro que je qualifierais d'honnête,
nous passâmes à table non sans avoir exécuté
à 4 une paire de morceaux, histoire de maintenir
la réputation. Nous mangeâmes dans la petite
salle du fond, qui un steak tartare, une entrecôte
au beurre ou une andouillette 3A avec de vraies frites,
le tout accompagné d'un petit vin de Sommières
pour entretenir l'euphorie. Nos exigences les plus folles
furent ainsi comblées. Pour preuve, même
Lalouche, certainement attiré par l'odeur fut
des nôtres. Monsieur 12 reçu à l'occasion
son cadeau d'anniversaire, un magnifique étui
pour trompinette en forme de bouteille à vin
(il en fut très ému), cadeau réalisé
of course par la talentueuse Meg.
Vers 17 heures, nous partîmes pour une manche
devant la Samaritaine. Dieu ! quel grand moment ce fut.
J'ai même dû pendant une bonne partie de
l'exercice assurer le rôle de souba, le bon mignard
assagi étant resté coincé quelque
part entre Delphine et le pont neuf. Le succès
fut total, les KadorS excellent, les Aargh présents
époustouflés et les passants conquis.
Au passage, nous gagnâmes plus de 1900 FF (environ
285 euro), l'admiration des foules et une promesse de
contrat en Italie.
Sur les coups de 19 heures, nous nous dirigeâmes
vers L'assignat sauf 12 qui partit acheter un bouquet
de fleur, pour l'anniversaire de Gaby, pas très
loin de chez l'ami U-Chang. C'est à partir de
ce moment là que nous quittâmes l'extraordinaire
pour atteindre l'extase divine. L'assignat était
bondé de gens, que dis-je de gens ! de fanfarons
de la vieille école, tous plus motivés
les uns que les autres. Monsieur 12, nous rejoignit
rapidement, un tantinet éméché
par quelques rhums de derrière les fagots du
père U-Chang. Les fagots devaient être
bien secs car 12 partit se reposer de suite dans la
pièce du fond. L'agrément musical fut
en début assuré par un amas de morceaux
de fanfare - des Filles, des Kosmos, des Charlots et
d'autres- qui s'acquittèrent fort brillamment
du traditionnel " Lion ", spéciale
dédicace à Gaby. Puis, les KadorS oeuvrèrent
un long moment. Je ne sais pour quelle raison, Ederlezy
ne fut plus exécuté, ni là, ni
durant le reste du voyage.
Après, l'heure fut à l'amitié.
Je crois que c'est dans ce bain de bonheur qu'eut lieu
ma véritable initiation. Jusque là, je
voyais les KadorS comme une bande de petits gars sympathiques
et vivaces me permettant de faire la fête, mais
au cours de cette nuit, je compris qu'ils étaient
en fait un véhicule que la vie m'offrait pour
déchirer le voile de la déesse et atteindre
le grand tout. Il faut le vivre pour le comprendre,
c'est quelque chose qui s'infuse en vous lentement mais
délicieusement. J'ai aussi compris pourquoi il
y avait cette période de transition d'une année
avant l'adhésion définitive chez les KadorS:
c'est pour filtrer l'indésirable, pour rejeter
le fauteur de trouble, le casseur d'ambiance. De cette
façon, lorsque plusieurs fanfares se retrouvent,
il y a amalgame, fusion entre les groupes, amplification
des émotions. Aucune fanfare ne voudrait qu'un
des siens soit cause de discorde. Bien sur, il y a quelques
dérapages bénins (Abordez le cas Zeff
devant un parisien, vous comprendrez) ou des récidivistes
(Albin l'horrible). Mais même ceux là ont
leur utilité, ils servent de repère, ils
nous rappellent que nous vivons un moment privilégié,
un moment à préserver. En plus, un mec
comme Albin, cela donne l'occasion à JC et à
Vincent de se défouler 5 minutes.
Tout cela, bien sur, je ne le réalisais pas sur
l'instant, la nuit n'était pas à la philosophie
mais à la fête. Pour la troisième
fois, les KadorS offrirent un présent, cette
fois ci à Gaby, un haut-de-forme aux couleurs
et visages des KadorS, oeuvre du grand Gilou. Enfin,
vers 1h30, certains décidèrent que c'était
l'heure d'aller manger. Pour ma part, j'avais un problème
plus grave à résoudre. Si la veille, nous
avions un château comme hôtel, il semblait
que rien ne fut prévu pour la deuxième
nuit et que chacun devait se DEMERDER. En fait, le problème
se révéla moins ardu qu'à prime
abord et je trouvais facilement à me loger chez
l'habitante. La musique facilite le contact, c'est bien
connu. Pendant ce temps, les KadorS valeureux continuèrent
leur folle nuit. Voici ce que l'on me rapporta.
Sur les conseils de Nono, ils gagnèrent un resto
Libanais de bonne réputation, " chez Walid
". L'arrivée s'étala sur une heure,
l'inertie de fanfare oblige et les conversations Mignone-Remy-Gilles
n'accélérant pas le mouvement. Tout ce
petit monde, une trentaine de KadorS, de Filles et d'autres,
grignota plaisamment d'excellents amuse-gueules. Mais
alors que Bince et Felep attendaient le plat de résistance
avec impatience, il leur fut servi une addition plutôt
salée. Delphine et P'titeHélene (de vraies
teignes ces nanas là) se chargèrent de
rapporter le sentiment général au père
Walid et au final chacun paya ce que bon lui sembla.
Mignonne en profita pour acheter le fond de commerce.
Le Dimanche, nous avions tous rendez-vous à "
La grosse caisse " à 14 heures. L'heure
chez les KadorS étant ce qu'elle est, c'est vers
17 heures que tout le monde fut réuni. Gilou
et Chat nous quittèrent pour cause professionnelle.
Pour des raisons de sûreté publique, nous
ne pûmes jouer avant 18 heures du soir et dans
un autre bar appelé " Le gobe-lune ".
L'endroit est fort plaisant avec un patron communiste
repentant et deux serveuses à la langue bien
pendue. Encore un succès pour les KadorS, le
concert fut une réussite. L'heure du repas arriva
et nous mangeâmes au Gobe-lune 3 fois plus et
pour 3 fois moins cher que chez " Walid ",
l'arnaqueur. Monsieur 12 fut admirable au cours du repas,
digne du professeur Choron qu'il connaît d'ailleurs
fort bien. A 1 heure, nous fumes invités chez
Servat le charlot de Poitiers pour un cours d'histoires
paillardes comparées. Je regrette de ne pas avoir
eu avec moi un camescope pour ce moment d'anthologie.
La nuit nous cueillit vers 4 heures du mat.
Lundi, sans Rémy parti faire son footing à
Nîmes, nous retournâmes à l'Assignat
pour un nouveau repas culinaire et quelques apéritifs
bien sentis. L'après-midi fut aux envies de chacun,
la capitale étant à leur pied. Je me souviens
de la remarque de Sabine en guise de conclusion "
ca a été un bon week-end, pour une fois
j'ai pas eu à supporter Vincent". Les Femmes
des KadorS sont aimantes mais n'en restent pas moins
maitresse-femmes. Mon rite d'initiation venait de s'accomplir.
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